24 heures sur Home Traineur


24 heures, une expérience unique

Je partais ce lundi matin dans une optique d’être sportivement raisonnable cette semaine mais ma raison n’est-elle pas ma folie ? La sagesse ne peut-elle pas bien attendre une autre vie. Et au final, la folie n’est-elle pas la plus juste des sagesses ?

Ce mercredi 15 avril à 16 heures, départ donc pour un sacré défi : 24 heures, le temps que la Terre met à faire le tour d’elle-même. 24 heures, si peu et tellement dans la vie d’un homme, au point de pouvoir la changer, je l’ai bien ressenti ce 25 septembre. 24 heures, le temps que je m’apprête à passer sur ce home-trainer, sur ce vélo. J’en connais dans mon entourage, qui l’ont fait, beaucoup l’ont fait plusieurs fois, quelques-uns l’ont même fait pendant plusieurs jours. Mais là ce challenge est pour moi un saut dans l’inconnu, mieux me connaître, mes limites physiques, mes limites mentales, les réactions de mon corps. S’y lancer est déjà une évolution, il y a quelques mois je me serais dit « j’en suis incapable, c’est impossible » mais aujourd’hui la question n’est pas « comment vais-je y arriver ? » mais plutôt « comment vais-je le vivre ? » car je suis sûr de ma force, sûr de ma capacité à repousser mes limites. Pourquoi ? Aller chercher de la détermination, aller chercher un peu plus de force mentale, Qui suis-je ? Où je souhaite aller ? Toutes ces questions, toute cette introspection qui se relance grâce à ce confinement. Cette impression de vivre actuellement dans un autre monde, sur une autre planète, sauter sur une autre, et ce sans bouger. L’impression d’une autre époque, seul, et pourtant connecté avec une partenaire qui cherchera les mêmes réponses, échanger, avancer. Merci à Morgane de m’avoir lancé ce challenge lundi.

Vivre cette expérience, pas de conseils, pas de renseignements, faire mes erreurs et apprendre, j’échangerai après coup avec ceux de qui je serai devenu un semblable. Noter tout ce que je bois, tout ce que je mange, tout ce que je ressens, tout ce que je respire, tout ce que cela m’inspire. Et surtout une pensée pour les vrais combattants, ceux qui luttent dans les hôpitaux, ceux qui les soignent, ceux qui permettent à la vie de continuer son cours « normal » et à une autre échelle, à tous ceux qui souffrent au quotidien de par le monde, qu’on oublie car « c’est loin », car « c’est ailleurs ». Nombril de notre propre monde, on ne s’identifie pas toujours à nos semblables mais la souffrance est partout, elle est à côté de nous, elle est à l’autre bout du monde, elle est chez ceux qu’on aime, elle est chez ceux qu’on ignore.

Je sais que je vais souffrir, une souffrance choisie, elle ne sera rien par rapport à celle endurée ces dernières années, ces derniers mois. Cette souffrance, elle va se conjuguer avec le plaisir, souffrir de plaisir à l’instant présent, avoir dépassé celle des temps anciens, espérer au futur. En un seul mot, vivre !

3, 2, 1 top. C’est parti, je me suis mis sur la terrasse, niveau stabilité des conditions lumineuses et de température, c’est loin d’être idéal, il fait d’ailleurs 35°C au compteur, plein soleil, mais je ne veux pas être enfermé, je ne veux plus être enfermé. Il faudra bien gérer l’hydratation, le ventilateur lui fonctionne à plein régime, il est aussi parti pour 24 heures.

Pédalage souple à 90-95 rotations par minute, 120-130 watts de moyenne, une allure vraiment tranquille mais je ne pars pas pour le critérium du village. Être humble devant la tâche, être humble devant le chronomètre, être humble devant moi-même. Impossible de communiquer en visio avec Morgane, sa connexion est mauvaise, on parviendra seulement à s’envoyer de petits messages ponctuels, sous forme d’encouragements quand ça deviendra dur.

 

2h18 du matin, la nuit fait son œuvre. Pédalage mécanique mais ordonné, lucidité totale, la nuit ou le royaume du poète. Pensées fécondes et souvenirs riches. Réminiscence de ces heures nocturnes où il y a 8 mois presque jour pour jour, juste de l’autre côté du mur, quand les nuits étaient sans sommeil, que les échanges étaient intenses, que la réflexion était vive, la peur présente, l’angoisse même d’être parfois impuissant par rapport à la situation, à chercher ce qui est ma force, les mots… Je repense à Merryl, à ces nuits où elle m’a poussé dans mes retranchements pour donner la quintessence de moi-même, je tenais là l’embryon de ce qui allait devenir quelques semaines plus tard une force infranchissable, celle-là même qui me permet d’être là, à dépasser mes limites, à être sûr d’y parvenir. Souvenir de ces heures qui ont forgé une complicité rare, une aide mutuelle, un échange : je lui avais donné la foi, elle m’avait donné la confiance.

 

5h29. Un jeudi « normal », j’émergerais pour aller travailler mais là je suis dans la brume, une nuit blanche dans la nuit noire. Les étoiles se dégagent d’un ciel sans nuages, elles sont aussi à l’orée de mes petits yeux qui brillent comme des diamants dans une grotte sombre. La bascule s’est faite il y a maintenant 1h30, on entre dans la seconde partie du défi, j’ai pris une première pause de cinq minutes, une microsieste qui a fait le plus grand bien même si tout est actuellement difficile, ouvrir les yeux, réfléchir, mâcher, déglutir. Mais on ne lâche rien. Vivement le p’tit kawa du matin. Viendra-t-il avant ou après le p’tit caca du matin ? celui viendra-t-il ? devrais-je changer de selle l’espace d’un instant ? Oui à ce moment-là, on pense à tout et à n’importe quoi, on a même des idées de m…. Ce petit café coïncidera avec le lever du jour et surtout celui de mes parents, 2 ou 3 heures plus tard… je pense aussi à eux dans cette période, ils dorment derrière les fenêtres au-dessus de moi, ce confinement est une occasion quasi unique de passer du temps ensemble, de se rapprocher, la relation n’est pas toujours simple avec mon caractère mais je les aime. Que je suis mauvaise langue avec eux en disant qu’ils se lèveront tard car j’aurai mon « p’tit noir » du matin vers 7h30, un rendu à ma maman qui m’a motivé d’une façon très discutable la veille au soir « si tu es fatigué, tu t’arrêtes, hein ». Non, je ne m’arrêterai que lorsque j’aurai fini. Mentalement c’est une mission. Pour ce que je représente maintenant aux yeux des gens que j’ai aidés, pour ceux qui ont besoin d’un symbole d’espoir en ce moment, pour tous ces gens qui me suivent et qui croient en moi, je n’ai pas le droit de me plaindre, je n’ai pas le droit d’arrêter. 

 

Maman me préparera régulièrement de petites collations tout au long de ce défi dans lequel une alimentation aussi régulière que le soutien des proches est indispensable. Une aventure et une évolution dans ce confinement où mes parents m’encouragent, même si c’est parfois à en faire moins, et sans lesquels je ne m’épanouirai pas de la même façon dans cette période printanière. Ce petit café est aussi le moment où le jour se lève, le moment où je termine ma deuxième microsieste, un peu plus longue, 8 minutes, j’en ai profité pour me changer et je retrouve un peu d’énergie. J’aurais dû commencer à me reposer plus tôt, une leçon pour de futurs défis. Cela est marquant de voir à quel point l’énergie oscille comme un pendule, un coup dans le noir, un coup plein phares… Comme ce moment, vers 3h30 du matin où je discute normalement avec Merryl et d’un coup je lui dis « je te laisse, ciao », le besoin de me recentrer. Peut-être n’ai-je pas été assez seul et dans ma bulle, tant mes amis me soutiennent, m’écrivent, échangent en visio, d’Alex qui partage une séance nocturne, Angélique, Jihad, Philippe qui me téléphonent, de Cyril, mon ami d’enfance de la région qui m’apporte les pains au choc…, pardon les chocolatines, en début de matinée, sans compter les nombreux messages sur les réseaux, nombreux sont ceux qui suivent notre aventure et envoient des messages d’encouragement.

 

Entre temps les pensées fusent çà et là, je pense à tout, je ne pense à rien… 

« Ah oui, je dois refaire mon site internet, ah et les maillots Sport Inspiration, ah et ce projet de vivre en Espagne l’hiver prochain, est ce que je cours encore ? ah il fait encore doux à 2 heures du matin ! Quel objectif à la Marmotte ? Où je veux vivre ? Je me sens comme à la Toussuire en mai 2018 ? J’ai envie de Nutella, non d’une raclette, non d’un brocoli cru… ? Faudrait que je fasse un texte sur le coaching… C’est quoi la vie ? J’ai mis où ce dossier ? Ah il faudrait quand même je rappelle untel ? Tu crois qu’elle se mange la punaise qui vient se poser sur le cintre ? C’est quand que je vais à la montagne ? Il est beau ce ciel étoilé sans nuages… ça fait combien de tours de pédale 24 heures ? Pourquoi on me demande combien de km je fais alors que je suis sur un vélo fixe ? » Ce genre de questions existentielles, ce genre de questions futiles. 

Quelques vidéos où je partage mon euphorie, même si juste après le niveau d’énergie replonge assez vite, un yoyo énergétique mais pas émotionnel, tant je me sens de plus en plus insubmersible au fur et à mesure du temps qui s’écoule, au fur et à mesure que je gagne en certitude que je vais aller au bout. Il n’y aura finalement qu’une seule alerte physique, à 2 heures de la fin. Avec la chaleur, les pieds gonflent et sont douloureux, j’enlève une chaussure, continuant à pédaler en unijambiste, l’ongle du gros orteil est complétement fissuré ; j’inverse, je regarde de l’autre côté, même constat (il faudra un an pour que les ongles se refassent). C’est sensible à chaque coup de pédale, j’arrose régulièrement les pieds pour me soulager, j’accepte la douleur, elle ne m’arrêtera pas.  Je me concentre sur d’autres repères, même si la douleur est partout, alors je me focalise sur le pourquoi.

 

« Si ton cœur a un pourquoi, tes jambes trouveront un comment » 

 

Et ces pourquoi sont face à moi dans cette dernière heure d’effort où il fait de nouveau plus de 30 degrés, ces pourquoi se sont mes parents qui sont face à moi sur la terrasse, ces pourquoi ce sont Merryl, Marion et Angélique qui sont avec moi en visio et m’accompagnent pour les derniers instants, les deux dernières nommées sur le vélo. Le temps commence à défiler plus vite, les heures sont devenues minutes, 30, 20, 10, 5, 1 et les minutes deviennent secondes 30, 20, 10, 5, 4, 3, 2, 1 top, c’est fini. Je l’ai fait, je suis un ultra. 

 

Je m’étais dit que 24 heures serait le maximum que je ferais dans ma vie de cycliste, pourquoi se fixer autant de limites, je suis là, je suis debout, et j’aurais encore de l’énergie pour avancer s’il le fallait. Se poser, une bonne douche fraîche, un bain de pied chaud au sel, plus froid, 30 minutes de chaise longue à savourer, à profiter et déjà je rattaque pour une petite séance de musculation, légère, sur le haut du corps.

 

Le symbole d’une bonne session : « plus jamais ça » pendant, « à quand la prochaine ? » juste après.

 

De l’euphorie, un sourire jusqu’aux oreilles, des endorphines de la dernière phalange du petit orteil à l’extrémité du dernier cheveu. Je sais désormais ce que voulait dire mes amis Ultra quand ils me parlaient de ces sensations, je suis devenu l’un des leurs et j’en suis fier !

 

Le lendemain matin, pas de réveil, une simple nuit de 9 heures et je me sens bien. Au programme, juste quelques exercices de respiration, d’étirements et de gainage et un jeûne hydrique, pas d’aliments solides, mais du bouillon matin, midi et soir, 2 ou 3 litres de smoothie, des tisanes à profusion, 2 doses de protéines en poudre avec du lait d’amande. Des sensations de douleur agréable, comprenez de légères courbatures mais tout va bien, le mental est au top.

 

Le samedi matin, il est l’heure de mon test sur le home-trainer, pour comparer avec la séance du mardi, je suis déjà surpris d’avoir récupéré aussi vite mentalement, avec cette envie d’en découdre, physiquement je me sens plutôt bien aussi, mais que va me dire la physiologie ? La séance est intense mais je suis dans les plages de puissance du mardi. Au final, même puissance moyenne, même fréquence cardiaque, quelques watts en moins sur les intensités les plus élevées de la séance, celles au-dessus de 450 watts, et une sensation de difficulté supérieure d’un demi-point, 8,5 contre 8 le mardi, avec des jambes à mi-chemin entre une sensation de lourdeur et une sensation de vide. Mais pas la plongée des performances que j’aurais pu imaginer quelques jours avant, j’étais arrivé juste curieux au début de cette séance, curieux de savoir comment allait réagir mon corps. Et il avait bien réagi.

 

Quelques chiffres et infos

Evolution de la température

15 avril 

@ 16h : 34,9 

@ 17h : 23,7

@ 18h : 25,5

@ 19h : 22,9

@ 20h : 20,7

@ 21h : 19,6

@ 22h : 19,0

@ 23h : 18,0

16 avril 

@ 0h : 17,6

@ 1h : 16,7

@ 2h : 16,3

@ 3h : 15,6

@ 4h : 15,9

@ 5h : 16,0

@ 6h : 14,8

@ 7h : 15,3

@ 8h : 13,2

@ 9h : 15,0

@ 10h : 16,7

@ 12h : 17,1

@ 13h : 24,8

@ 14h : 34,7

@ 15h : 28,1

 

Pauses pipi :

15 avril

19h40 : 45’’

23h25 : 57’’

16 avril

3h26 : 56’’

5h10 : 58’’

6h32 : intégrée à la 2è micro sieste

7h : 37’’

7h42 : 40’’

8h18 : 54’’

10h54 : 59’’

14h30 : 50’’

 

Microsiestes :

5h20 : 6’09’’ (réveil programmé sur 5’)

6h32 : 14’27’’ (changement de tenue, pause pipi + réveil programmé sur 8’)

11h26 : 5’47 (réveil programmé sur 5’)

 

Hydratation :

– 4,5 litres de boisson énergétique maison (55g de sucre de canne / litre, jus de citron, sel et eau)
– 3,5 litres d’eau plate
– 2,5 litres d’eau gazeuse
– 3 cafés
– 2 bols de soupe
– 1 shaker de protéines (30g whey + 10g chocolat en poudre + 250ml lait de noisette)

 

=> Total : environ 11,5 litres de boisson.

 

Alimentation :

16 h : 1 gélule BCAA

18 h : 1 gélule BCAA

18h52 : fin de 200 g de fruits secs

19h : ½ banane

19h35 : ½ banane

19h50 : 1 œuf dur

20h : 1 gélule BCAA

20h50 : bol de soupe

21h : croque monsieur

21h25 : fin de 1,5 l de boisson d’effort

21h43 : attaque de 300 g de fruits secs

21H53 : fin de 1,5 l d’eau

22 h : 1 gélule BCAA

23h15 : croque monsieur

23h50 : 1 café + 5 carrés de chocolat

0h : 1 gélule BCAA

0h30 : ½ bol de riz au lait

0h50 : ½ bol de riz au lait

2h : 1 gélule BCAA, ½ pomme de terre, ½ œuf dur

3h : ½ pomme de terre, ½ œuf dur

3h43 : fin des 300 g de fruits secs

4h : 1 gélule BCAA, 1/3 shaker protéiné

4h30 : 1/3 shaker + ½ pomme de terre

5h : 1/3 shaker + ½ œuf

6h : 1 gélule BCAA + fin de 1,5 l de boisson d’effort

6h50 : 1 pomme de terre

7h20 : fin de 1,25 l d’eau gazeuse

8h : 1 gélule BCAA

8h13 : ½ œuf + ½ pomme de terre

8h55 : 1 tartine de pain beurré

9h10 : 1 café

9h40 : ½ œuf dur + ½ pomme de terre

9h55 : 1 chocolatine + 1 part de gâteau au yaourt

10h : 1 gélule BCAA

10h20 : 1 chocolatine + 1 café

11h : 1 chocolatine

11h10 : fin de 1,5 l d’eau

12h : 1 gélule BCAA

12h30 : 1 bol de riz au lait

12h45 : fin de 1,5 l de boisson d’effort

13h : 1 bol de soupe + 1 pomme de terre sautée

14h : 1 gélule BCAA + fin de 1,25 l d’eau gazeuse

14h20 : 1 carré de chocolat

15h30 : fin de 400 g de fruits secs (début vers 4h30 du matin)

15h50 : fin de 1 l d’eau