Dans le peloton, ce long serpent multicolore
Qui sur les routes de France et d’ailleurs fait le décor
Dans le peloton il y a une vie fascinante, un vrai monde à part entière
Comme tout univers, il a ses règles, il a ses codes, il a son atmosphère
Du vent à dompter, des adversaires à affronter et des routes à gravir
Ce petit monde parfois méconnu que je vous invite à découvrir
J’aime le souffle du vent dans le peloton
Pas celui de face, qui favorise les ratons
J’aime quand le vent a envie de jouer,
Qu’il nous prend de côté
Qu’il met de la tension dans le paquet,
Et qu’ça s’met à frotter
J’aime le dessin que font les éventails
Quand c’est le peloton que les vents taillent
Que les groupes se ventilent, qu’il y a la grosse bataille
Quand les puissants montrent les muscles, qu’ils défouraillent
J’aime cette phase d’action sauf si je suis dans la bordure
Où il faut aller au bord de ses limites et espérer que ce bord dure
Là où il faut bien se placer ça chahute pour pas prendre de cassure
Là où quand embrayent les flahutes, ça casse, sûr
Quand se rapproche l’arrivée, il règne dans le peloton une certaine agitation
Les équipes de sprinters préparent le terrain et entre en action
À grande vitesse il mène le train et gare à l’entrée en station
Ca charbonne dur, on contrôle qu’aucun voyageur ne puisse s’extraire du wagon
À la flamme rouge, on est à toute vapeur, il faut mettre son sprinter sur les rails du succès
Les lanceurs sont des locomotives qui mettent de l’entrain et parfois à l’excès
Faut dire que les sprinters sont des passagers agités, comme sur des strapontins
Les seigneurs de la vitesse jouent des coudes et du casque comme des diablotins
Aux 200 mètres, les gladiateurs sont maintenant en prise au cœur de l’arène
Un combat viril, garder sa place une fois qu’on a pris les rênes
À ce jeu-là, on retrouve les grosses cuisses à l’avant du paquet
À puissance maximale, les watts hurlent sur le grand braquet
On y retrouve souvent les pistards, les princes du parquet
La rage se lit sur les visages qui crie la violence d’un effort au taquet
L’œil est celui du tigre, déterminé, regard rivé sur la blanche ligne
On jette le vélo, un dernier souffle, un ultime coup de rein et des adversaires qu’on aligne
Sitôt le Rubicon franchi, le sprinter clamera sa hargne contre son guidon ou le poing rageur
Des fois l’attente craintive de la photo, ce centimètre qui sépare la désillusion de la joie du vainqueur
Et puis il y a ces étapes où la troupe s’écarte des plaines
La plénitude des grands espaces, les alpages comme scène
Le peloton va se casser les pattes sur des terrains escarpés
Et déjà nos sprinteurs deviennent des buffles à l’arrière du paquet
Autre territoire, contraste avec l’aisance de ces chamois, vrais acrobates des cimes
Le mollet fin, la joue creusée, ils viennent virevolter quand le peloton se décime
Une silhouette légère, l’air dansant quand la pente se redresse, que la foule se transcende
Elle ne s’y trompe pas, c’est ici que le cyclisme a apposé ses lettres de noblesse, là où s’est écrit sa légende
Vaincre l’adversité, vaincre la pente, vaincre le manque d’oxygène
Conquistadores des temps modernes, vainqueur jusqu’au bout des gènes
Et le combat se prolonge, c’est maintenant l’autre versant qu’il faut dévaler
Plongé dans l’adret, plein d’adrénaline, les bornes à pleine vitesse sont avalées
Virtuose des trajectoires, dans les épingles comme dans les larges courbes
À tombeau ouvert et au bord du précipice, négocier les dangers, les virages fourbes
Pour pouvoir triompher et savourer en solitaire la gagne
Il est venu, il a combattu, il a vaincu la montagne
La vie dans le peloton c’est encore bien d’autres aventures
C’est affronter les chutes, être capable de se relever de ses blessures
C’est affronté les chemins de pierre, les monts et même les pavés
Lutter contre la terre mais aussi contre le ciel quand les éléments il faut braver
La chaleur, le froid, la pluie, la grêle, la nature aussi peut nous en faire baver
Une lutte permanente, seuls les braves pourront dans l’histoire avoir leurs noms gravés
Lutter aussi contre soi-même contre ses faiblesses et ses moments de doute
Toutes ses raisons qui font que dans le peloton, on nous appelle forçats de la route

 

« Dans le peloton » (27.08.2019)