My Cycling Lifestyle

Vincentet la bigorexie


Ce lundi 30 mars 2020, nous abordons la 3ème semaine de confinement, une routine s’installe mais une donnée a changé, la météo.

Après 2 semaines de grand soleil, où mon teint hâlé dévisage davantage des vacances estivales qu’un chômage forcé et qu’une interdiction de sortir, le froid et la pluie s’abattent sur la Gironde, il y a même parfois quelques petits flocons de neige fondue.

L’installation sur la terrasse a été remplacée par un aménagement intérieur tout aussi confortable, vue sur le jardin, ventilateur, glace pour voir mes jambes tourner ainsi que le pied d’entretien pour le téléphone, mais pas de visio aujourd’hui, pas d’écoute des échanges avec Marion, ni de livre audible de développement personnel dans les oreilles.
2 heures de home-trainer sont au programme de ce lundi matin, 1h d’échauffement tranquille avec des exercices de vélocité, 49 minutes de séries de puissance et retour au calme.

La 1ère heure est consacrée à regarder quelques reportages sur la bigorexie, l’addiction au sport, que j’avais dû visionner, du moins écouter en fond sonore un samedi 11 août 2018, sur la route entre la Gironde et l’Indre, à la veille d’un triangle sud berry riche en souvenirs…

Je pensais m’être un peu écarté de cette addiction, même si le sport est bien resté le premier mot de mon lexique. Pourtant, depuis le début de ce confinement, je me suis reconnecté à celui que j’étais avant ce 20 septembre où tout dans ma tête avait basculé. Certes, durant cet été 2019, beaucoup de choses avaient déjà changé, la passion du sport était plus vive que jamais, ce besoin aussi mais la pression de la compétition s’atténuait au bénéfice d’un plaisir plus pressant, d’une envie de me dépasser, de n’être vraiment en compétition qu’avec moi-même, à la découverte de mon moi profond, de mes limites, n’étais pas je sur cette année 2019 au moins aussi fier de mon premier 300 km, de ma montée nocturne au Mont Aigoual au doux parfum de liberté, de ma performance chronométrique sur la Marmotte, de mes 30 ascensions de la côte de l’Hautil le 1er juin, de ma sortie sous le déluge du 9 juillet qui allait me permettre de me remettre à l’écriture que de cette première victoire en 2ème catégorie, 1 semaine après mes 34 ans.

Une part importante de frustration était née début août sur la semaine cantalienne, 3 fois repris en fin de course par des coureurs attentistes et manquant d’ambition, la compétition quelque part ne remplissait son rôle de me donner à 100% autant que je pouvais le faire qu’en compétition avec moi-même.

Le développement personnel de la même époque, le fait de dépasser beaucoup de mes peurs, je n’avais finalement plus besoin de la compétition, pour exister, pour vivre, pour être tout simplement.

Ce 30 mars est aussi le 100ème jour consécutif sans dossard, le dernier ayant été porté le samedi 21 décembre au vélodrome de Bourges, la dernière fois que j’y ai vu nombre d’amis proches, le temps a passé, le poil a poussé sur mes guiboles, faisant penser désormais à un cyclotouriste du dimanche matin…

L’envie de compétition semblait même avoir disparu quelques kilomètres au nord d’Alicante lors des dernières lueurs d’une année 2019 qui marquait un vrai tournant dans ma vie.

Tout serait donc désormais différent à ce point ?

Oui, la vie avait tourné ce 20 septembre, le sport, centre incontesté de mon esprit depuis près de 20 ans, était désormais relégué au deuxième plan ; l’envie restait intacte mais il n’était plus une priorité.

Six mois d’une intensité émotionnelle et mentale folle avaient suivi jusqu’à ce qu’une épidémie venue de Chine trouble notre quotidien et impose une pause à l’ordinaire, qui ne l’était déjà pas, qui ne l’était déjà plus.

Dès la première semaine, 10 heures de home-trainer et 8 heures de musculation en plus du jardinage, un rythme soft pour moi, presque une semaine de récupération sportivement parlant.

Une deuxième semaine de 20 heures de home-trainer et environ 12 heures de musculation, renforcement musculaire, abdos et étirements, un peu de yoga aussi, un footing, du jardinage…

Un dimanche de repos (avec 1 heure de home-trainer, 1h de muscu, 1h de yoga et 40 minutes de gainage) et je me couchais sans cette sensation du devoir accompli, sans cette sécrétion d’endorphines, il m’avait manqué quelque chose, je me couchais presque en culpabilisant de n’avoir rien fait de la journée et d’avoir été généreux sur le crumble cuisiné par maman (et pourtant, je bouclais le 15ème jour consécutif sans crise…)

Ces différents reportages sur des personnes dont l’addiction au sport a rendu le corps et le cerveau malades m’interpellent surement plus fort qu’il y a un an et demi… tant j’ai l’impression que mes excès passés et contemporains dépassent les leurs.

Beaucoup sont mariés, beaucoup ont fondé une famille, beaucoup exercent une activité professionnelle « classique », dans le sens où ils ne l’ont pas adapté à leur sport mais ont adapté le sport à elle, beaucoup l’ont vécu sur une période relativement courte, par contre on retrouve chez nombre d’entre eux aussi les troubles du comportement alimentaire qui y sont associés.

Je me dis que je suis maintenant installé dans ce cycle depuis 20 ans, bien sûr j’y ai trouvé un certain équilibre, mais un équilibre précaire et bancal avec cette sensation d’en vouloir toujours plus, c’est humain et c’est même souhaitable de toujours vouloir être meilleur, mais il faut aussi que j’apprenne à me satisfaire du très bien plus que de chercher l’impossible.

Ne pas chercher le 10/10 d’un jour, quasiment inatteignable mais un 8 ou 9 sur 10 au quotidien mais d’un 10 qui soit chaque jour un peu plus élevé, disons d’un 1% 😊

Je suis à la fois si près et si loin de cet idéal. Mais cette addiction est là, elle menace, elle est contrôlée mais elle contrôle ma vie aussi, je dois la surveiller. Musculation, cyclisme, course à pied, je pratique les 3 sports dont la pratique peut le plus tourner à l’obsession.

J’en reprends conscience… Comment m’en départir ? Toujours la même réflexion, tant que je n’aurai pas eu la sensation d’avoir exploité à 100%, je serai toujours prisonnier de moi-même

Là je n’ai parlé que d’une heure d’entraînement à m’échauffer, mais durant laquelle les pensées fusent… Cette deuxième heure, où je vais enchaîner 49 intervalles de 15 à 45 secondes entre 310 et 450 watts, je regarde pour la première fois du cyclisme depuis un bon six mois…

Vélo ou culturisme ? Aujourd’hui je ne saurais choisir. Le vélo est la base de mon équilibre mais mon corps est essentiel… Pas par prétention, pour moi, comme un accomplissement, peut-être un peu comme une revanche.

Des objectifs : un corps tonique, un corps qui me plaît plus qu’un poids à atteindre, équilibré, suffisamment massif au niveau du dos et du torse, des abdominaux bien dessinés et des photos pour matérialiser, afficher aussi, sans prétention combien la nature de ma relation avec mon corps aura été tumultueuse tout au corps des ces longues années mais l’envie de dire « j’y suis arrivé ». Conscient aussi que ce sera éphémère et qu’il faudra alors ne pas retomber dans mes travers, garder cette équilibre, cette base, ne perdre les 2.3 kg en trop que pour les vrais objectifs vélo, garder alors un peu de renforcement, d’étirement et de course à pied les 3 à 6 semaines qui précéderont les grandes échéances vélo (France Masters Route, Marmotte, Tour du Mont Blanc, 1 ou 2 courses UCI piste, Haute Route, Mondiaux Masters piste)

Car oui, en cette deuxième heure d’entraînement, je sens renaître l’envie de la compétition…

Mais ce « moi sportif idéal » il est complexe, oui il se nourrit encore de la compétition, mais si elle est désormais un chemin et plus une destination. Mais en dehors de cette recherche de résultat brut, l’essentiel est ailleurs, un bien être, la vraie victoire est celle sur mes complexes, sur la maîtrise de cette alimentation, le dernier écueil pour être plein, la dernière tentation à ne pas avoir été vaincue…

Être juste un sportif complet, endurant, fort, souple et au corps athlétique, pouvoir courir vite et longtemps. Être à l’aise sur des cyclosportives, des courses route, sur la piste. Faire quelques triathlons et de beaux défis sur le vélo.

Tel est le moi sportif idéal et par là même une part importante du moi idéal en tant qu’homme.