Mon record du monde


M-1, Un mois jour pour jour avant ce record…
Nous sommes au lendemain de la mauvaise nouvelle, où nous avons appris que
Marion serait suspendue jusqu’au 22 mars 2024, un choc inattendu, là où nous
pensions que ce serait juillet 2023 et où j’avais tout planifié en conséquence.
Je me battrai de toutes mes forces, qu’elles viennent des larmes de ma tristesse ou
de la colère de mes poings prêts à frapper…
Me battre, c’est le corollaire de ma vie. Pour ce record, il a fallu se battre avec 2
reports, tellement improbables qu’ils en étaient risibles, il a fallu se battre avec la
dépression cet hiver, il faut maintenant se battre avec cette chute qui brûle ma peau
depuis 6 jours, il faut se battre avec la fièvre depuis samedi, il faut se battre avec les
questions sur l’avenir et la perte de sens…
Il faut se battre, c’est la vie. Souffrir encore pour avancer. Allez Vincent, encore un
peu, un record du monde ça se mérite…
Un mois où je vais tout donner pour ce défi, peut-être le dernier…
Derrière ça j’espérais un océan de possibilités, une vie à enfin rêver après tant de
combats et de souffrance, nous rêvions d’un ciel bleu derrière l’orage…
Beaucoup de projets sportifs et professionnels étaient liés à la décision d’hier. Tout
était prêt dans un carrefour où deux routes étaient possibles. Nous n’avions pas
imaginé que les deux seraient coupés, que cette croisée des chemins où nous
stationnions depuis six mois et demi était une impasse… Un coup de massue, une
claque que nous n’avions pas imaginée…
C’est un projet d’aventure de vie, de partage, de dépassement de soi, d’expérience
unique… qui s’est brutalement envolé hier soir.
A cette heure, c’est un énorme point d’interrogation sur mon avenir, tant sportif que
professionnel ou personnel.
Je sais seulement qu’il n’y aura pas de demie mesure, que ce sera tout ou rien.
Peut-être que je vivrai cette expérience « à fond » dans un engagement sportif total
avec des projets de plus en plus fous.
Peut-être que je tournerai le dos à tout ce qui a trait, de près ou de loin, au sport, tant
dans la compétition que dans la vie professionnelle, ce qui inclut coaching,
entraînement et stages. Peut-être qu’à la rentrée je serai réellement caissier dans la
Creuse, ou plutôt dans la Drôme, comme j’y songe régulièrement depuis deux ans et
demi.
De celui qui partagera toutes ses aventures en espérant modestement inspirer à
celui qui changera totalement de vie et dont vous n’entendrez plus jamais parler, il
n’y a qu’un pas…
Homme entier, passionné et border line, je suis le type de gars pour qui l’équilibre est
mince. Le sport fera toujours partie de ma vie, nécessaire pour me tenir, mais peut-
être devrais-je tout oublier, tout reconstruire, en repartant à zéro…

Aujourd’hui je ne sais pas, Aujourd’hui je ne sais plus. Aujourd’hui j’ai juste mal d’une
souffrance qui j’espère me fera encore avancer pendant un mois…

J-11, Dernier test avant le record.
Un CP20 sur home-trainer, tant pour tester le travail effectué depuis 3 mois que pour tester
ma régularité et ma capacité à un engagement total. Je suis prêt pour les 3 même si je dois
me rappeler de partir sagement, 2h15 c’est très long.
Sur 20 minutes, c’est un record pulvérisé avec 345 W, et surtout 20 watts de plus qu’il y a 2
mois, c’était lors de ma deuxième semaine de stage accompagné, un jour de récupération
pour les clients, un jour intense pour le coach.
Peut-être que cela restait en-dessous des 14’45 » à 360 W un jour de grâce de février 2021
avec Marion, dans le col de Babaou.
La capacité mentale à donner mon 100% est bien là, alors qu’il reste maintenant 10 jours de
décharge à venir avec l’objectif, ambitieux pour moi, de remplacer les heures du vélo par du
sommeil.
Intéressant mes pensées dans les moments les plus intenses… Je sais à quoi je penserai
dans 11 jours à Roubaix. En plus de penser à Merryl et mes parents, un peu, à Marion,
beaucoup. Je m’imaginais dans ce test me battre comme si j’avais un enfant, montrer que je
ne lâche rien, comme il ne faut jamais rien lâcher dans la vie.
Il me reste encore quelques petits réglages sur piste et une grosse sortie avec le vélo de
chrono en Sologne le samedi à venir.

J-10. Mais d’où est venue l’idée ?
Si ce projet s’est dessiné étape par étape, je choisirais le 13 avril 2020 comme un point de
départ potentiel. Ce jour-là, en plein confinement et après 2 heures d’une séance de jambes
« leg killer », je reçois un message « ça te dit de faire un 24 heures sur home-trainer ? »
La première réflexion c’est « qu’est-ce que c’est que cette idée à la con ? », en même temps
que je réponds en écrivant « OK. On fait ça quand ? »
Avant ça m’aurait paru tellement fou et impossible que j’aurais juste dit « C’est fou et je n’en
suis pas capable ».
Mais ma vie était devenue folle depuis 9 mois et j’étais prêt à accoucher de quelque chose
d’encore plus grand.
Deux jours plus tard c’était parti. Et la question n’était pas de savoir si j’allais y arriver mais
comment j’y arriverais et comment je vivrais l’expérience. J’avais le pourquoi de mon
aventure et à l’aube de ma tentative de record, cette motivation n’a pas changé. Partager,
inspirer et transmettre de la force. Je connais les qui et les pourquoi qui accompagneront
mes pensées pendant mes 400 tours de piste samedi prochain. Le sens que je donne à ce
défi est aussi clair que celui dans lequel je devrais tourner sur le vélodrome.
« Trouve un pourquoi et tes jambes trouveront un comment »
Trouve un sens à ce que tu fais et tu dépasseras tes limites.
Rappelle toi que ces barrières, souvent elles n’existent que dans ton esprit et que le plus
souvent, c’est toi qui les as fixées…
J’en avais beaucoup, il m’en reste mais j’essaie de les enlever une à une. Le chemin de la
liberté et de la plénitude n’est pas une ligne droite et on tourne parfois en rond (c’est
d’ailleurs ce que je ferai dans 10 jours)
Il y a 5 ans jour pour jour, j’écrivais ces lignes qui allaient me guider comme la ligne de
mensuration le fera le jour J « Là où la raison s’arrête la passion ne fait que commencer » et
j’ajouterais qu’elle est aussi loin de se terminer.
Merci Morgane Toullec pour ton idée que Marion aurait qualifié de « tordue », comme elle le
faisait régulièrement des miennes.

J-9, La passion, un moteur dans le cœur
Je n’avais pas prévu d’en parler aujourd’hui mais je profite du souvenir Facebook de ce
texte (et des 2 ans des 24 heures home-trainer ) pour parler de cette passion.
Pour constituer le top 20 de mes textes, ça n’a pas été simple mais le sujet revient aux deux premières places, « Passion » et « Le possédé », car il a fallu aller au-delà de cette passion…
Ce texte, c’est le premier vrai écrit, l’un des rares de ma première vie littéraire, le possédé
marquant, comme une transition, le début de la seconde.
Cette passion, elle a été violemment ébranlée et malmenée, presque jusqu’à la rejeter, et
pourtant c’est elle qui m’a tenu debout pendant des années, qui m’a tenu debout cet hiver…
Si j’ai pensé abandonner ? Oui. Bien entendu… (Et j’y reviendrai dans quelques jours) Mais
la passion est une force plus forte que les doutes. Et une force, l’amour… qui sera comme un
moteur (non pas dans le pédalier, je ne fais pas du scooter) mais dans le cœur…
Je sais à quoi et à qui je penserai dans ces 100 km, quand la douleur dans les jambes, dans
la gorge, dans les épaules, dans le dos ou dans les biceps sera intolérable, je sais ce qui
fera ce supplément d’âme qui me permettra de me surpasser.
En réalité il y en a beaucoup, des personnes, des situations. Peut-être même en fais tu
partie sans le savoir si tu as croisé ma route. Du partage et de l’inspiration. On me dira
concentre toi sur l’effort » mais je ne suis pas un robot et je sais d’où j’ai tiré ma force ces
dernières années et c’est cette même force puissante qui va m’aider à pousser sur les
pédales dans 8 jours.
C’est mon âme, c’est ma force, c’est mon moteur. Je pédale avec le cœur

J-8 / Les origines
Mon premier 00km ?
Oula je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans…
Retour au début du millénaire. J’ai un doute mais je pense que c’était le 14 février 2000 (le
moment où je me rends compte que j’étais au collège ) avec un groupe de cyclosportifs
qui roulait le lundi matin…
Une semaine où tu as basculé pour moi d’ailleurs.
Car aux 110 km du lundi s’en étaient ajoutés 143 le mercredi et 172 le samedi…
C’était quelques semaines avant le début de ma première année cadet (oui je devine les
d’ici…)
Depuis novembre 1999 et avec 1h30 à 2h d’home-trainer Cateye chaque soir, j’étais passé
de 68 à 56 kg mais cette semaine de vacances de février m’a amené vers les TCA et une
pratique bigorexique, les deux allant de pair et ne me lâchant plus ensuite. Ça a façonné ce
que je suis devenu.
Qu’est ce que j’avais ressenti ce jour-là ? Je pense de la fierté de voir pour la première fois
ces 3 chiffres au compteur (oui ça existait déjà, ça devait être un Sigma BC500 ou BC800 -je
me sens vieux à l’instant T -), et visiblement de l’enthousiasme et l’envie de recommencer
puisque j’y retournais 2 jours après (j’ai un doute sur mon envie de refaire immédiatement
100 km sur piste après le record )
Alors depuis, combien de 100 km ?
Beaucoup… Ne serait-ce qu’en 2022, il y a 37 jours au-delà des 100 km.
Mais celui du 23 avril aura une saveur très particulière, sans doute le plus douloureux et
j’espère le plus rapide mais une chose est sûre, ce ne sera pas le dernier.

J-7, « Van life »
Dans une semaine, ce sera l’agitation au vélodrome de Roubaix, à une heure de m’élancer
pour mon plus grand défi sportif.
Pour ce dernier week-end, c’est tout l’inverse… calme, zenitude et pleine nature…
Si la Sologne était mon choix depuis quelques semaines, j’avais rêvé d’un autre plan A pour
ces 3 jours. La vie, c’est s’adapter…
Ma vie s’écrit en solitaire, cœur sauvage même s’il voulait ne plus l’être, alors quoi de mieux
que d’étrenner cette van life en solo vu que la météo s’y prête…
Un refuge.
« Ressource toi où tu te sens le mieux, où tu te sens le plus chez toi »
Ce lieu, c’est le monde, c’est la nature, c’est l’essentiel du nomade, loin du superflu du
sédentaire.
C’est un vélo, un tapis, une barre et un swissball.
C’est l’instinct, le bruit des oiseaux et la douceur du soleil de printemps.
C’est aussi la musique de la playlist du record (j’en reparle dans la semaine )
Et comme je ne suis pas à une contradiction près (il paraît que c’est ce que je suis), je jette
toujours un œil aux agences immobilières sur ma route (je ne suis pas curieux mais j’aime
bien savoir)
Des évasions ponctuelles pour revenir encore plus fort au quotidien. Si pour moi réduire
l’activité physique est très difficile, me ressourcer et déconnecter mentalement est un besoin
vital. (le mental, un autre sujet qui sera abordé d’ici au record)
Et c’est parti pour la dernière sortie de plus de 100 km avant le jour J !

J-6, ça a été imparfait mais ce n’est pas grave…
On rêve tous de la perfection, d’un plan qui se déroule sans accroc, de l’amour « parfait » mais
rien ne sera jamais parfait, on ne peut faire que de son mieux.
80/20. Je ne parlerai pas de la loi de Pareto, celle qui nous dit que 80% du résultat s’obtient
avec 20% d’efforts et réciproquement.
Je prendrais cette équation qui nous dit que quand 80% d’une relation nous convient, il est
mieux de la garder au risque de ne plus avoir que 20% de satisfaction, et de perdre ce qu’on
a.
Et 80% de ma préparation me convient.
Oh, certes je rêvais de ce stage en altitude à Tenerife, de faire des tests en soufflerie et de
faire mon record sur un vélo plus performant, d’une meilleure alimentation, d’un meilleur
sommeil et d’entraînements plus intensifs, de ne pas tomber, de ne pas être blessé, d’être
épargné par les contrariétés. Utopie…
En étais-je seulement capable ? N’aurais-je pas explosé à multiplier un peu plus contacts et
déplacements ? Sûrement que si… J’ai essayé de protéger au mieux une bulle fragile.
J’ai fait de mon mieux et je suis fier et satisfait de ces 9000 km en 2022, de ces heures en
position aéro ou en renforcement spécifique, de ce travail sur la piste et sur home-trainer.
« Je sais ce que je peux mieux faire mais je n’aurais pas pu faire mieux avec qui j’étais cet
hiver. J’ai à cœur de mieux faire à l’avenir mais j’ai tout fait au mieux, avec le cœur ».

J-5, Prendre soin de moi
Dernière ligne droite. Il ne s’agit plus de s’entraîner, il ne s’agit plus de progresser, il s’agit
maintenant d’optimiser le potentiel physique et mental… Cette phase d’affûtage n’est pas la
plus facile à mener pour un boulimique d’entraînement et un boulimique tout court.
Lundi 18 avril, jour de jeûne hydrique. Parce que je suis bien et fort mentalement, je peux le
faire et j’ai même envie de le faire. Une journée à boire smoothies, soupes, infusions et
tisanes, me purger, laisser le système digestif au repos avant de recharger progressivement
en glucides et refaire le plein d’énergie, voilà une partie du programme du jour.
Un abdomen allégé sera samedi gage d’une meilleure position, à tenir plus confortablement,
comme le sera un corps souple et gainé.
Le repos.
Pour moi qui dors en moyenne 5 à 6 heures par nuit, c’est là où j’ai à gagner le plus. 8 soirs
à ne pas me coucher après 22h30, 8 nuits à 8 heures de sommeil ou plus. Mon expérience
et ma connaissance me disent que c’est là où j’ai le plus à gagner. Souvenirs de ces stages
au Lavandou et aux Orres en 2021 où les longues nuits réparatrices avaient boosté mon
potentiel… Alors je me repose, pour être à 100% samedi.
L’entretien physique.
Un corps fort, un corps souple. Là, on touche au cœur et au corps de mon métier. Avec un
dos fragile qui m’a tant handicapé ces dernières années et particulièrement en 2021, prendre
soin de mon corps est vital.
Chaque jour, au moins 30 minutes d’exercices pour le gainage, la posture, le renforcement
musculaire et la mobilité. Musculation, exercices abdos/lombaires, exercices de mobilité,
étirements. Un peu plus de spécificité pour le record, la chaîne postérieure, très durement
sollicitée : ischios, fessiers, dos, fixateurs d’omoplate, muscles du cou ainsi que l’avant des
épaules et les biceps pour maintenir une position agressive. Ne pas oublier non plus de
compenser les déséquilibres créés.
Beaucoup d’automassage qu’il soit manuel, sur les psoas et le diaphragme par exemple, ou
à l’aide des accessoires Blackroll que j’utilise avec bonheur depuis quelques années.
Cette semaine, j’aurai aussi la chance de bénéficier des mains de Merryl pour détendre mon
dos et mes jambes à l’approche du jour J.
L’entretien mental
L’esprit et le corps. Ne faire qu’un. Quand l’un ne va pas, l’autre va rarement bien. Un corps
en harmonie, c’est généralement une tête libre… Sophrologie, exercices de respiration pour
relâcher le corps.
Mon mental, je vous en dis plus sur lui demain.
Quelques liens et vidéos d’exercices pour ceux qui ne sont pas habitués à ma page
(Abonnez-vous ! En outre, c’est sur ma chaîne YouTube « sportinspiration78 », que sera
diffusée mon record samedi 12h)

J-4, le mental.
C’est ma plus grande force, c’est ma plus grande faiblesse. C’est la partie que j’ai le plus
renforcée, c’est celle sur laquelle j’ai le plus de progrès à faire…
Le mental, notre esprit. On croit souvent que c’est quelque chose d’inné, d’acquis, qu’on naît
fort ou faible mentalement, qu’on ne peut rien y faire.
Les possibilités de développement mental sont pourtant illimitées… Des milliers, des
millions, des milliards de câbles à connecter, à brancher à la bonne prise.
Le mental, c’est comme les muscles, ça s’exerce et ça doit se faire au quotidien.
En cherchant quelques mots (que j’ai fini par ne pas trouver), je suis retombé sur des écrits
d’il y a 10 ans, « N’aie pas de regrets. Fais les choses. Ose ». Il en a fallu du temps mais
depuis 3 ans, j’arrête de perdre mon temps à tout remettre à plus tard. J’y vais !
Les deux confinements ont, par exemple, été deux phases exceptionnelles sur mon
développement, mental comme physique… Ca ne dépendait que de moi, j’aurais pu buller,
ne pas repenser mon activité professionnelle, ne pas m’entraîner car il n’y avait pas de
compétition, ne pas me reconstruire alors que, les deux fois, je suis arrivé au fond de l’eau.
Oh certes, il y a eu aussi entre temps de beaux ratés magistraux, mais il n’y a qu’en
essayant qu’on apprend, parfois à gagner et souvent à perdre. Mais on perd plus
intelligemment. Perdre, gagner, ça aussi ça s’apprend…
Alors, quand est apparue cette opportunité de tenter ce record, je n’ai pas hésité longtemps,
je me suis dit « J’y vais », comme je n’avais pas hésité pour les 24 heures home-trainer
proposées par Morgane il y a 2 ans, comme je n’avais pas hésité un 20 septembre 2019…
Deux éléments essentiels à ce défi aujourd’hui, à ma présence et à ma force.
Là où j’ai changé par rapport au passé, c’est dans l’acceptation des épreuves et des chutes,
à aller chercher même la difficulté et les claques.
Très souvent, j’ai espéré me relever trop vite mais plus la souffrance est grande, plus il faut
du temps pour l’appréhender, la recevoir, l’accepter et l’encaisser. Les 6 mois en plus dans
lesquels j’ai dû attendre pour tenter ce record m’ont appris une chose essentielle, la
patience.
Je le détaillerai demain mais cet hiver, il a fallu accepter le temps de tomber et de rester au
sol, et, malgré ça, de faire les choses sans énergie, de ramper car je ne pouvais plus
marcher. Mais de ne pas jamais abandonner. Le mental, c’est d’abord la persévérance,
percer les errances.
Il n’y aucun jour, depuis le samedi 11 mai 2019, où je n’ai rien mis en action pour ne pas
devenir une meilleure version de moi-même. Parfois ce n’était pas grand-chose, mais
chaque pas compte. Ne perds pas ton temps c’est le bien le plus précieux, car tu en es
l’esclave mais tu en es aussi le maître.
De l’audace…
J’ai ce matin un problème de riche. « Assurer le record » ou tenter de réaliser une marque
bien au-delà de mes espérances…
J’ai décidé de partir dans l’optique de mettre la barre haute, de me fixer ce challenge d’aller
tester mes limites, et de partir sur un tableau de marche de 2h10, à 19’’5 au tour (46,1 km/h).

Si je ne tiens pas, j’essaierai de maintenir ensuite au mieux 20’’5, ce qui fait 2’30 de marge
sur le record.
Il y a le risque d’exploser, ce que beaucoup craignaient dans ma vie il y a 2 ans et demi…
Pourtant je suis toujours là à tenir la baraque, certes au prix de grandes souffrances, mais je
ne me suis pas engagé sur ce record pour « aller cueillir des cèpes avec mamie Renée », je
sais que je vais avoir plus mal que jamais. Cette souffrance, je l’accepte, je la recherche, sur
le vélo comme dans la vie, car elle est le chemin pour devenir meilleur.
Je sais à quoi je penserai tout au long de ces 400 tours, en réalité ce sera surtout à qui je
penserai.
A Marion, au chemin parcouru, au chemin à venir. Car si je le fais pour moi, je le fais aussi
pour nous. Jamais sans elle, je n’aurais osé me fixer de telles challenges dans la vie ou dans
le sport. Le plus est encore à venir, on le sait, le plus beau aussi, j’y crois et je me battrai
avec toi aussi fort dans les mois qui viennent que sur le vélo samedi. Tu es le moteur de
mon cœur.
A mes parents, qui m’ont toujours soutenu et qui le font encore aujourd’hui au top, avec
lesquels nous nous sommes bien retrouvés grâce au confinement et qui m’ont accompagné
ces derniers mois, me permettant d’être dans les meilleures conditions
A Merryl, à notre amitié, à ces 3 ans de complicité où tu auras été très présente, parfois trop
pour un vieux sanglier solitaire et grognon. Merci de m’avoir assisté à bloc dans ce record.
Coach, assistante, organisatrice, soutien moral, massages. Tu as été au top, comme tu l’es
depuis le début.
A mes amis, ceux et celles qui ont été et sont sur ma route actuellement
A mes mentors qui m’ont apporté et m’apportent aujourd’hui du soutien
A ceux que j’accompagne mentalement, physiquement.
A ceux qui m’ont aidé à préparer au mieux ce record. Bruno, Sébastien, Zinedine, aux
coachs de SQY et aux partenaires d’entraînement.
Prendre la force partout autour de moi pour la concentrer dans ma tête, mon cœur et mes
jambes.
Sur ces derniers jours, je veux accueillir toutes les bonnes ondes, celles que vous m’offrez,
celles que la vie et la nature apportent.
Et je sais que ce record, ce n’est qu’une étape sur la route de mon meilleur moi…

J-4, Je me souviens…
Je me souviens de mes premiers kilomètres sur un vélodrome, à l’échauffement d’une
course à l’INSEP le 3 janvier 2002… Je me rappelle certaines têtes quand ils ont su que je
roulais pour la première fois sur une piste.
Je me souviens de mon premier « Kilo » et de mon temps, comment dire, modeste,
1’19’’654.
En voyant mon tableau de marche le plus ambitieux, je me dis qu’il faudra aller plus vite…
100 fois de suite. Et oui après m’être souvenu de mon premier 100 km, je me dis qu’il s’agit
de faire maintenant 100 x 1 x 1 km, 100 x 4 tours.
Le tableau de marche est rodé, Coach Merryl me communiquera mon temps chaque tour et
je sais exactement sur quelle base je serai, si je devrai réajuster ou pas. Ambition certes,
mais réalisme et modestie devant la tâche à accomplir. Savoir « assurer » si les jambes
n’assurent pas.
On fera le point tous les 10 km par rapport aux différents tableaux de marche où elle me
donnera les indications d’avance et de retard par rapport aux tableaux de marche en amont
et en aval…
1 – 100 – 10000…
Si 100 x 1 km ça peut faire peur, je sais aussi que ma préparation est constituée de 10000
km depuis le 20 décembre, 100 x 100 km. Je suis prêt, physiquement, mentalement.
Zoomer et avoir une vue d’ensemble. Le détail et la vision globale. Les 2 sont importants.
Je suis fier de la vision globale mais si je zoome, je vois des milliers de points à améliorer. Et
c’est un beau challenge pour le sportif comme pour l’entraîneur. Tant d’horizons à parcourir
encore. En attendant il se résumera à 250 mètres, à répéter inlassablement comme si je
voulais faire corps avec ce bout de parquet.
Et je m’en souviendrai, comme de mes premiers tours de piste.

J-3, on a toujours une autre chance…
Comme souvent dans mes écrits, une référence à ma binôme, que je sais en pleine
souffrance depuis la prolongation de sa suspension, un mois plus tôt.
« Dans la vie, on a les chances qu’on a la force et le courage de se donner »
Croire que c’est foutu, tout recommencer de zéro et devenir meilleur… Tout un programme.
Repartir de zéro quand on est prêt au grand voyage est une épreuve terrible, un test de sa
foi et de sa détermination, de son destin même. La façon de répondre à la question
existentielle qu’on s’est tous posés au moins une fois « Est-ce que je suis fait pour ça ? Est-
ce ma voie ? Est-ce ma vie ? »
C’est aussi et surtout une chance de mieux faire.
23 avril, on sera six mois jour pour jour après ce qui aurait dû être la première tentative… Là
où la vie, enfin disons le coronavirus et l’UCI, avait décidé de déplacer les Mondiaux du
Tadjikistan à Roubaix… le week-end où était planifiée ma tentative.
Record décalé au 10 octobre… et de nouveau annulé car le parquet de la piste devait être
poncé. Je l’avais su un 25 septembre, au soir d’un test prometteur où j’avais aligné 40 km à
45 km/h, au rythme d’un métronome et avec une belle marge sur ce qui était le record de
France. A ce moment-là c’était une mince bouée qui me maintenait à flot.
Entre temps le record du monde était battu et l’information relayée, et le challenge devenait
double. En faisant ma tentative en octobre, je me serais « limité » au record de France. Et je
n’aurais pas exploré tout ce chemin, j’aurais fait ces 100 km « sur la forme du moment »
Mais en ce début d’automne, tout s’effondrait comme un jeu de dominos, en un mois, entre
le 6 septembre et le 7 octobre. A cette période, j’en voulais à la Terre entière et je devais me
replonger dans ma nuit la plus noire, une épreuve d’autant plus dure quand on pense être
sorti du brouillard, que le pire est derrière soi…
7 mois sont passés depuis le 20 septembre, jour central d’une chute, quand je devais
affronter un adversaire pire que la haine, l’indifférence… Un mois pour tomber, violemment.
Trois mois à la dérive, à me lever sans but, à vivre sans âme, à faire mes séances comme
un robot, comme pour survivre… Je me revois, errant à Bourges fin décembre, pour la
dernière course de 2021, à me demander « Mais qu’est-ce que je fous là ? » Que restait-il du
guerrier ? Était-il mort au bout de deux ans de combat ?
Larmes et sueur se sont mélangées ; corps et cœur, ils ont bien transpiré.
Non. Mais j’avais besoin de temps. Trois mois pour reconstruire, pour repartir de zéro. Je me
rappelle aussi, quelques semaines plus tard, de ce dimanche 23 janvier en Espagne, à M-3,
là où le record me paraissait un doux rêve, une utopie, une chimère… Ce jour-là, je montais
6 fois Vall de Ebo sous la pluie et le vent, à serrer les dents pour ne jamais descendre sous
les 250 watts, à me fixer 30 minutes au maximum pour atteindre le sommet… Un jour seul
avec moi-même à tester ma détermination, ma foi, à retrouver l’âme « du possédé »
Savoir d’où je viens pour mieux comprendre où j’en suis et où je vais.
Il y a eu des doutes, l’envie de tout plaquer, je me suis dit que je n’en étais pas capable, que ça n’avait pas de sens… Et puis à cette période Marion et moi avons retracé notre histoire,
avons échangé, avons écrit, avons partagé et les choses ont aussi retrouvé un sens : ce
n’était pas possible d’abandonner, aller au bout était un besoin vital, quel que soit le résultat.
Tout donner, ne rien lâcher et croire que rien n’est jamais perdu, que le meilleur est à venir.
Sans cette souffrance, ça n’aurait pas la même valeur aujourd’hui. Et je sais qu’après ce
record, je redescendrai, volontairement, pour escalader une autre montagne, plus haute,
plus ardue, qu’elle soit dans le sport ou dans la vie.
A l’image de ces cheveux que j’avais rasé le 7 octobre, comme pour repartir de zéro, ils ont
repoussé, millimètre par millimètre. Le symbole que, petit à petit, la vie reprend le dessus
(même si sous les cheveux, ça reste le bordel lol)
Et ce record, ce ne sera sans doute pas ma dernière chance, ni même la plus belle…

J-2, ma playlist
Grand corps malade, Hoshi, Jacques Brel, Eminem, Aznavour, Beethoven, Tupac, Georges
Brassens, Julie Zenatti, Johnny Halliday… Leur point commun ? Ils sont tous dans la playlist
de mon record.
Une playlist très hétéroclite et à mon image. De la douceur et de la violence. De la modernité
et de l’ancien, comme « un con qui balance entre deux âges ».
Une chanson qui parle à mon âme, une qui booste mes jambes, comme un intermittent
d’émotions même si ce que j’entendrai le plus, ce qui me boostera le plus, ce sont les
battements de mon cœur, lui qui n’enverra pas seulement le sang et l’oxygène dans mes
muscles mais aussi toute ma force, tout ce qui me fera me battre à bloc ce jour-là, ce seront
aussi les battements d’un autre cœur qui sera présent près de moi ce jour-là.
Préparer cette playlist (et merci une fois de plus à Merryl -car la technologie et moi…-) ça a
été retrouver toutes les musiques que j’ai écoutées ces derniers mois et ces dernières
années, celles qui parlent à mon âme et à mon cœur, celles qui collent à mon histoire.
Car ce record, c’est aussi mon moment, ma vie, qui je suis.
Vous voulez savoir la composition exacte ? Venez au vélodrome samedi prochain !

J-2, le choix de Roubaix
Pourquoi Roubaix ?
On m’a souvent demandé pourquoi je ne faisais pas ma tentative au Vélodrome National de
St Quentin en Yvelines… Ce n’est pas à la maison que je me sens le plus chez moi. Le
monde est mon jardin et c’est dans ce vélodrome que je me sens le mieux.
En 2014, j’étais licencié au club de Douai et je vivais entre Sartrouville et Libercourt, dans la
campagne nordiste, ses petites maisons de briques rouges, ses champs de chicons, ses
pavés…
J’aime l’ambiance du Nord, j’y ai toujours été bien accueilli et j’aime tourner sur cette piste,
qui me rappelle quelques belles victoires, et notamment ces 3 succès aux 6 heures de
Roubaix dans des efforts qui me rappellent celui que je vais affronter samedi.
Au moins, le ponçage de la piste me donnera une piste rapide et mes tours de roue ici il y a
2 semaines m’ont même convaincu de prendre le risque de mettre une dent de plus, pour un
braquet de 58/16.
Et puis Roubaix c’est un mythe du cyclisme. Et puis le Stab était là avant SQY. Et puis j’avais
envie c’est tout.
Et puis le Nord, le Nord, ça reste plus au sud que le sud de la Belgique, une fois !
Merci aussi à toute l’équipe du Stab, à Sebastien Notin d’abord pour toute l’organisation, à
Jordan, Luc et Célia pour leur aide et leur implication dans mon projet et les meilleures
conditions de préparation possibles.
Maintenant amis nordistes, j’attends votre ferveur et vos encouragements !

J-2, A l’heure du départ
Tout est prêt… Un dernier passage chez mon président de club pour récupérer la
combinaison manches longues qui m’a été préparée pour ce record, une photo avec Merryl
dans le camion et c’est parti… (Une publication qui changera beaucoup de choses)
Je profite que coach ait le dos tourné pour écrire ces quelques mots.
Ça y est, c’est parti vers l’aventure, c’est parti vers le destin. Déjà en quittant le travail ce
matin, j’ai senti ce petit « Ah oui, la prochaine fois que j’arriverai au « bureau », tout ça sera
derrière moi »
Le même état d’esprit que ce mercredi 15 septembre, quand nous étions partis, déjà avec
Merryl, déjà le camion aussi chargé, vers l’Alpe d’Huez… Mais le temps pluvieux et automnal
de septembre a laissé place à un temps ensoleillé et printanier. Un symbole ?
Les mêmes questions. Tout est-il prêt ? N’ai-je rien oublié ? Vais-je être à la hauteur de la
tâche ? Quel sens a tout cela ? Les images du passé défilent et avec elles, une symphonie
de frissons, d’émotions bigarrées.
Je retrace ces 3 dernières années intenses, à me surpasser, à donner le meilleur de moi-
même, à briser mes barrières, à affronter mes doutes. C’est quoi 2 heures et quelques
minutes de souffrance délibérément choisie dans tout ça ? Rien d’autre qu’un moment de
plaisir, une ponctuation à cette aventure qu’est la vie, un point d’exclamation qui vient finir un
chapitre, une sculpture qui vient graver cette tranche d’existence.
La souffrance magnifie le bonheur qui lui succède. L’échec est la mère des plus belles
réussites. La victoire est d’autant plus belle que l’échec a été violent. Et tenter ce record est
déjà une victoire en soi, celle de l’audace, de la persévérance et de l’espoir…

J-1, et le stress dans tout ça ?
Ces 100 km c’est mon plus grand défi sportif mais j’ai seulement tout à gagner.
Quand je serai sur la ligne de départ, ce départ je ne l’aurai pas, ce sera un rêve à conquérir
et non une possession à défendre. Quand le compte tours sera passé de 400 à 0, soit je
serai comme avant, un cycliste non recordman du monde, soit j’aurai un petit plus, ce record.
Quoiqu’il arrive il restera les souvenirs d’une préparation, d’une aventure, d’une quête,
d’espoir et de souffrance, pendant les 2 heures et quelques minutes de la tentative, mais
surtout des mois, voire des années qu’ils l’ont précédée.
Une expérience qui j’espère me changera pour le meilleur, à être simplement plus apaisé
avec moi-même et plus serein, et qui me donnera plus de liberté et d’ouverture avec ceux
qui croiseront ma route.
A la veille de ce record, je suis bien plus relâché que pour le record de Marion en septembre
dernier, où il y avait toute l’organisation, la crainte d’avoir oublié ou mal fait quelque chose.
Et ça représentait tellement de choses… Là c’est seulement moi et c’est seulement pédaler
le plus fort possible. Je le vois bien mentalement et physiquement, j’arrive frais et dispo là où
j’étais une épave en septembre, qui avait d’ailleurs coulé les jours suivants. C’était la
dernière bataille d’une, hélas, première guerre…
Ce n’est qu’une aventure, pour moi, pour le plaisir.
Bien sûr je veux ce record et d’abord pour moi, pour ma propre force et ma propre lumière.
Pour inspirer, donner de la force et rayonner autour de moi, rayonner dans le sens de donner
plus de lumière à ceux qui en ont besoin.
Mais c’est seulement du sport…
Avant je m’en serais fait tout un monde… mais je sais que les plus grands défis sont ceux de
la vie d’homme. Quelques-uns ont été relevés et j’espère que les plus grands sont devant
moi (et y compris ceux de sportif d’ailleurs).
Alors la pression, ce sera seulement dans les boyaux (ceux de mes roues)
Dans ces « chroniques du record », j’ai essayé de vous partager sur le tard comment je
m’étais préparé, ce que j’avais vécu et ressenti. Avec les bons comme avec les mauvais
moments, en offrant ma vitrine comme mon arrière-boutique à vos yeux. J’aurais aimé mieux
le faire, ce sera pour une prochaine fois.

J-1, la vie est un challenge perpétuel
Vendredi 22 avril. 13h27’25. Le dernier entraînement s’est terminé. Ouf. Pas de chute.
Sensations excellentes. Après 10 min entre 50 et 55 km/h derrière la moto de Seb,
j’enchaîne sur 4 tours entre 18 »et 18 »5, j’ai l’impression d’être à une vitesse de croisière, de
devoir ralentir pour arriver à mon tableau de marche le plus optimiste, à 19 »5 au tour.
Le mieux est l’ennemi du bien ? Peut-être… Je veux redonner un petit coup de serrage au
matériel. En attrapant la clé allen dans la boîte à outils je sens comme un coup de poignard
dans le dos, caractéristique…
Je sais que c’est parti pour des semaines de galère… encore. J’avais dit qu’après ce record
je voulais replonger pour remonter plus haut… La vie m’offre un autre challenge, celui
d’affronter un record du monde le dos en vrac, pour un peu plus de souffrance… mais je sais
que le vélo est le seul endroit où je ne souffre moins, buste penché, mains en appui.
Je souffle un coup mais je ne suis pas dépité, pas abattu. Je me prépare depuis des mois,
en une seconde tout vient peut-être de s’écrouler mais rien n’est perdu tant que le compte
tours ne marquera pas « 0 » demain.
Démarche d’invalide, à surveiller chaque appui qui peut me spasmer comme ce 15 mars
2019, page inaugurale de mon livre.
Automassage, ceinture lombaire, massage, baume du tigre, arnica, j’essaie de limiter les
dégâts comme je peux.
18h33. Bain chaud. Je pense à mon pourquoi, à ces 3 dernières années, à la souffrance qui
renforce, à ce que j’ai affronté.
La nuit se passe plutôt bien, ainsi que le lever, que je craignais durer plusieurs dizaines de
minutes. Tordu, comme la tête. Sur le vélo à l’échauffement, tout va bien, ça ne durera pas
pendant le record…
Quand le corps faiblit, le mental prend le dessus…
Seul mon entourage et les spectateurs le savaient. Je ne voulais pas communiquer sur cette
blessure. Ce n’était pas une excuse. Et je souhaitais rester partir.
Pourquoi cette blessure…
Il y a toujours un facteur psychique et les jours suivants, je partirai à son exploration.
N’y a-t-il pas eu un relâchement inconscient de voir que tout s’était bien passé après être
sorti indemne de la dernière sortie sur piste ? N’avais-je pas inconsciemment besoin de me
mettre dans la même difficulté que Marion quand elle avait cassé son vélo la veille de son
record ? N’avais-je pas sondé qu’elle m’avait appelé au secours, à sa façon, la veille ?

Jour J, Et c’est parti…

Nuit blanche mais reposante… paradoxe d’une journée qui n’en manquera pas. Vais-je
trouver une position confortable avec le lumbago ? Vais-je seulement pouvoir me lever ce
matin ? Les questions ne sont pas celles que j’imaginais et espérais
Je suis concentré. Je rassemble mon énergie, mes pourquoi. Je sais quelle est ma
motivation à ce record. Je trouverai la foi et la force d’avancer si la douleur est là. Je
l’attends. Et pourtant cette fois, je la sous-estime…
7h le réveil sonne. Moins de 30 secondes pour me mettre assis, loin des 45 minutes qu’il
m’avait fallu le 20 mai 2021, à ma dernière crise. Baume du tigre pour chauffer le dos, j’enfile
un collant long pour une dizaine de minutes après avoir fait un peu d’automassage du dos et
quelques mouvements. Je souffre, je claudique mais ça tient. Une dizaine de minutes pour
monter sur 1 »30 à 320 watts, ce qui sera légèrement au-dessus de ma puissance cible. Sur
le vélo, en position aéro, tout est OK.
Petit déjeuner avec mes parents, Marion et Merryl, « la famille », ceux sans qui je ne serai pas
là face à cet immense défi. Le même que la veille : omelette aux fruits, flocons d’avoine,
muesli, fruits secs, riz au lait et compote maison et un café. J’ai l’habitude de ce repas il est
testé et approuvé et pas question de changer aujourd’hui. Je prépare ensuite religieusement
ma boisson d’effort. 50 grammes de sucre de canne, 30 g de fructose, 2 g de sel, du jus de
citron, le tout dans 1,5 litre d’eau. Le rapport inverse entre fructose et glucose dans la
boisson d’attente.
Je finis de rassembler les affaires avant de longuement m’entretenir avec Marion. Je le fais
aussi pour elle, pour lui montrer ma force, le fait de ne rien lâcher. Avant, avec une telle
blessure, j’aurais peut-être jeté l’éponge. Là ce n’est même plus une option. Une invitation
aussi pour elle à ne pas lâcher. Avant de prendre la route, un moment tous les 4 ensemble.
On est à 2 heures du bip de départ. Dernier moment dans cette bulle.
Nous arrivons au vélodrome, j’y pénètre comme dans une cathédrale. Transcendé, j’hume
avec passion et ferveur ce parfum de bois sec, cette atmosphère si puissante pour le
passionné que je suis. Matériel installé avec précision. Les bouteilles par ordre de détail. Le
matos « bis » sur la chaise de droite, les tenues du record à gauche : chaussettes « Tourmalet »
offertes par Merryl en juillet dernier, combinaison du club à laquelle j’aurais préféré ma
combinaison bleu ciel « Duo » tellement emprunte de sens pour moi, pas de gants…
Je commence mon échauffement par de l’automassage et des mobilisations, avant de
monter sur le home-trainer. Je donne les consignes à Merryl et au staff du Stab, aux petits
soins pour moi. Je surveille le contrôle du vélo sur ce gabarit qu’on a eu tant de mal à
dénicher (merci au service course Cofidis, à Jeanne, Erik et Seb). Tout est OK. Ouf. On ne
sait jamais.
Je monte sur le home-trainer, vélo de CLM pour la position. Des adhérents de la salle de
sport, un de leurs amis, photographe, est là aussi. On échange. Je n’aurai besoin que de
quelques secondes pour être dans ma bulle. Je veux profiter de l’ambiance plutôt que
m’isoler dans un vestiaire et ne pas profiter de l’ambiance d’un record, de mon record.
10 minutes avant de descendre et d’enfiler mes surchaussures glissant à Zine venu me
rejoindre « Même une capote, j’ai jamais enfilé avec autant de soin ». Besoin de rire, même si
je suis détendu, sans stress. Tout est prêt. Zine ajuste mon casque de cosmonaute sur ma tête, celui emprunté à Dark Vador, méticuleusement. Je remonte sur le home-trainer pour 10
autres minutes, tout harnaché. Sentir ma position. La pointe du casque entre mes omoplates,
un de mes repères de concentration avec la fluidité des jambes, le regard loin, la respiration
contrôlé, les épaules relâchées, ceux que Merryl doit me rappeler au fil des tours, ceux que
j’ai à l’esprit.
Ensuite je monte en piste pour 10 minutes derrière la moto pilotée par Jordan, besoin de
sentir la piste, besoin de sentir la vitesse sans efforts. Les sensations sont top. Les jambes
sont légères et le coup de pédale aérien. Je sais que je suis prêt. Quid du dos ? Pour
l’instant je ne ressens rien. Tiendra t il ? Combien de temps ? J’ai fait le choix de rester sur
mon tableau de marche très ambitieux à 2h10 et de conserver le 58/16 que j’ai décidé
d’adopter il y a 2 semaines.
Dernier passage de 5 minutes sur le home-trainer, je tends un feutre à Marion pour qu’elle
écrive un mot sur ma poitrine. Elle écrit « force ». Elle fait partie de ceux de qui je la tire.
J’aimerais que Merryl écrive un mot aussi mais je dois rejoindre le bloc de départ, rejoindre
mon destin.
Un dernier encouragement et une dernière accolade avec mes parents et c’est parti pour
monter les marches et rejoindre le bloc de départ. Des années que je ne suis pas monté
dans cette machine qui sert à lancer les épreuves chronométrées départ arrêté… Un
décompte qui donne la chair de poule et dont le premier bip rejaillit à S-50. Sur le compte
tours il y a écrit 199, le maximum qu’il puisse accueillir, et non 400. Mais je sais dans quoi je
me lance… Ou pas !
Et c’est parti pour le show…
Les bips se succèdent. Je rassemble mon énergie et ma concentration. 10. Lente expiration.
5 – 4 – 3… Avant arrière sur la selle au rythme de la respiration. Prêt à jaillir. 2 – 1. Dernier
moment à reculer, sur la selle seulement. Pour mieux aller de l’avant. 0. Un bip différent,
celui de la libération, celui du début du combat.
Il est 12 heures. Cette fois-ci c’est parti…

Jour J, Jusqu’au bout de l’effort…
Bip… L’instant tant attendu depuis plusieurs mois est arrivé, le fauve est lâché du starting
block. Rendez-vous dans 100 km, 400 tours de cette piste de 250 mètres que j’ai appris à
appréhender mètre par mètre au fil des compétitions et des entraînements.
Une petite appréhension, celle de prendre assez de vitesse pour ne pas être gêné par les
boudins à l’entrée du premier virage, celle de ne pas me déclencher un spasme dans le dos
au moment de libérer mon énergie du bloc. Ouf, ça passe, je suis bien en ligne, 200 mètres
pour me lancer et prendre ma position en sortie de virage et ce compte-tours qui affiche
toujours 199.
Les encouragements du public venu me soutenir, me pousser, je les sens à chaque ligne
droite opposée où il s’est réuni, là où Merryl me donnera les indications de temps et autres
informations. 25’’6 au premier tour, 19’’6 au deuxième, je suis d’entrée dans mes temps.
Aucune douleur dans le corps, le pédalage fluide, la respiration régulière.
Tout semble se dérouler comme sur des roulettes pendant 30 km, 120 de 400 tours avec
des tours régulièrement entre 19’’3 et 19’’6, dans le tableau de marche défini à 2h10. 46
km/h de moyenne, c’est soutenu et je sais que les 2h10 seront quand même très difficiles à
atteindre. C’est à ce moment-là que je commence à manquer de ressenti de mes orteils,
devant les mobiliser régulièrement, c’est là aussi et surtout qu’une douleur commence à
atteindre l’arrière de ma cuisse gauche, une douleur lancinante, entre la naissance d’une
crampe et l’inflammation du nerf sciatique… Le compte-tours indique 70, mais en réalité il
me reste 270 tours et je me dis que l’enfer m’a ouvert des portes…
Vais-je m’y enfermer ou vais-je les forcer pour entrevoir le paradis qui y succède… 1h30 de
souffrance, c’est quoi dans une vie ? C’est quoi face à tout ce que j’ai vécu et surmonté ?
C’est une souffrance délibérée, une souffrance choisie, une souffrance qui rime avec
dépassement de soi et accomplissement. C’est à ce moment-là que les repères de
concentration laissent place aux repères de motivation, que la manière et le geste vont
commencer à laisser place au pourquoi et au sens…
C’est le moment de relâcher un instant l’effort et de demander le premier ravitaillement, un
moment un peu stressant. Nous avons fait de super tests avec Sébastien, mais il est
précaire de changer la position après 45 minutes les coudes à 90°, les avant-bras posés sur
une tige de carbone et des les repositionner sur un cintre d’à peine 30 cm de large. Tout se
passe parfaitement. Ouf…
Le temps au tour commence à remonter autour de 20’’, je ne peux plus exercer autant de
force sur la pédale. Je dois reconnaître que le tableau de marche à 2h10 était de toute façon
trop ambitieux, même sans blessure, mais j’avais choisi et assumé mon choix, je voulais finir
sans regrets, en ayant tout donné, sans pouvoir me dire « J’aurais pu faire mieux »…
J’ai encore en tête la barre des 45 km/h (2h13’20’’) mais la douleur est de plus en plus
intolérable dans cet ischio, comme prolongement de ces paravertébraux qui se sont délités
du même côté la veille… Je commence à sentir de moins en moins mes orteils, l’appui sur la
selle est incertain, je cherche à me repositionner mais la douleur est insupportable, il y a
souvent un petit cri aigu accompagné d’une larme qui vient à l’œil. Mais en face il y a cette
voie qui me dit « Ne lâche rien », il y a cet œil qui se ferme face à l’acidité de la transpiration

et qui cherche le regard de Merryl en même qu’il croise ce temps par tour qui augmente, tour
par tour mais si je sais que je continue de grapiller dixième par dixième sur le record, 20’’5
ou 20’’6 par rapport à la base de 20’’89 de celui qui je cherche à dépasser, un homme que je
déteste autant que je vénère à cet instant précis… Peu après la ligne de poursuite, je
cherche surtout à croiser le regard de Marion, je sais que c’est ce qui me donne la force de
continuer, d’appuyer malgré la douleur atroce. Je doute car les tours défilent lentement.
J’imagine l’échelle de Borg et son échelle de perception de l’effort que j’imagine avec des
chiffres à 12 ou 13/10… Je sens la bave qui coule de ma bouche, la morve qui coule de mon
nez, la touche n’est pas glamour mais elle témoigne d’un effort total, la respiration est
pourtant confortable mais j’imagine la douleur déformer mon visage, chaque coup de pédale
est devenu atroce. De temps en temps, j’ai besoin de me relever de la selle, de soulager un
peu la chaîne postérieure mais les bras sont engourdis et me mettre en danseuse est un
geste incertain, voir dangereux. Je manque une fois de tomber, la cuisse heurtant le cintre,
j’ai l’impression d’être un pantin désarticulé les fesses hors de la selle, comme si je pédalais
sur du sable ou sur un vélo pas à la taille.
L’espace d’un instant je m’interroge « Est ce que je ne risque pas de terminer l’aventure dans
une chaise roulante ? Pourrais-je encore marcher après ce record ? » Je switche directement
la pensée. Je me concentre sur le présent, sur des paroles de motivation fortes. « Sois heureux ou meurs en essayant » et « One shot, one Opportunity  » d’Eminem, une chanson de la
play list.
Les ravitaillements eux aussi sont difficiles, le troisième, puis le quatrième et dernier, je dois
m’y reprendre à 3 fois pour attraper le bidon tendu par Séb, je ne contrôle plus ce bras
devenu un morceau de guimauve pendouillant à mon épaule. Mais ma route continue, il
reste maintenant moins de 100 tours et j’ai 2’30 d’avance sur la marque du record du monde,
devenue mon seul but, mon unique obsession.
150 secondes d’avance à 80 tours de l’arrivée, je sais que j’ai presque 2’’ par tour de marge,
22’’89, je sais que c’est à peine 39 km/h… Mais avec cette douleur, combien de temps
pourrai-je encore pédaler ? Pourrais-je simplement finir ? A chaque ligne droite d’arrivée,
face au lent défilement du compte-tours je doute, à chaque fois que je passe devant Merryl,
devant ce public qui m’applaudit à chaque passage, à chaque fois que je vois le visage de
Marion, je ne doute plus, je vais le faire, je vais aller au bout…
C’est sur le vélo, dans ces instants, que le mot « Record du Monde » prend un sens, faire ce
que personne n’a jamais encore fait… Je connais nombre de cyclistes, et parmi lesquels des
amis, qui ont un niveau bien supérieur au mien et qui pourrait faire largement mieux que
moi… Mais je prends conscience, comme de nouveaux repères de concentration plus
égoïstes, qu’il faut être fort et avoir une sacrée paire de couilles pour se lancer là-dedans,
être sacrément con aussi… S’occuper de l’organisation, s’investir physiquement et
mentalement pendant des mois dans le seul but de souffrir seul, face à soi-même et à un
chronomètre, à tourner en rond comme un hamster, un peu comme dans la prison qu’on a
choisie, mais pour mieux s’en délivrer. Oui, le record c’est devenir libre, c’est devenir apaisé,
c’est remporter un sacré combat sur la vie, sur mon obésité de l’enfance, sur mes troubles
du comportement alimentaire, sur l’amour perdu en route, sur ceux qui me disaient
qu’accompagner Marion allait rimer avec perdre tout ce que j’avais construit avant. Ce record
j’en ai besoin pour moi, pour mon évolution, pour ce que je veux construite dans mon futur, si
je veux remporter une victoire plus grande encore, si un jour je suis père.
Mon âme, mon cœur, ma foi avaient été plus forts que tout ça et ils seraient encore plus forts aujourd’hui. Je pense aussi à mes parents, à tous mes amis qui souffrent et
qui veulent voir en moi un message de force et d’espoir, une inspiration, comme j’en ai eu
pour me pousser, j’ai pris conscience que moi aussi je pouvais en être une…
Les tours défilent autour de 21’’ et le record ne peut plus m’échapper. 20 tours, moins de 5
kilomètres, j’essaie d’accélérer, j’ai l’impression que mes jambes appuient comme si je
tournais en 19’’5, mais non, je tourne 1’’5 plus lentement. Qu’à cela ne tienne, il n’y aura pas
les 45 km/h, il n’y aura pas les 2h15 non plus. La cloche, libératrice, retentit. Dernier tour,
dernier regard pour mon staff qui sait que j’ai gagné, pour le public où je croise les yeux de
Eric et Ed, les adhérents de la salle de sport venus me soutenir.
Dernier coup de rein pour passer la ligne, celui d’un vieux lion qui sort vainqueur d’un
combat à la Pyrrhus, qui y a là tout laissé sur le parquet, mais qui a triomphé… Je ne lève
pas les mains, pas par peur de chuter comme mon prédécesseur au Guinness mais
simplement car je n’en ai pas la force…
2 ou 3 tours pour savourer intérieurement, seul, avant de retrouver mon staff, après avoir
timidement salué ceux venus me soutenir. Je m’accroche à la rambarde et Merryl vient dans
mes bras. Quelques sanglots s’échappent de chacun de nous, moins forts que ceux versés
un 19 septembre 2021, au moment où Marion avait battu son record, où nous étions tous les
2 du même côté de la barrière, dans l’encadrement. Puis mes parents, Zinedine et Marion
me rejoignent en bord de piste… Déclipser mes chaussures me demandent un effort
maximal, terribles pour des abducteurs de hanche totalement tétanisés…
Descendre du vélo est un effort qui me paraît plus surhumain encore que pédaler pendant
100 kilomètres… Impossible d’étendre les fessiers pour passer la jambe au-dessus de la
selle, impossible de fléchir les jambes pour m’asseoir ou m’allonger au sol, comme si mon
corps était baigné dans l’acide. Les crampes à l’ischio gauche me paralysent, me faisant
hurler plus encore sur le vélo. Mon staff est autour de moi, mon père veut nettoyer mon
visage couvert de bave et de transpiration séchées. Ça me fait mal, ça m’irrite, je le rejette
violemment. J’ai juste besoin qu’on me laisse allonger là, que mon corps se remette de ce
que je viens de lui imposer, il me fait payer de ne pas l’avoir respecté, de l’avoir malmené
malgré le signal qu’il m’a envoyé la veille.
Au bout d’une vingtaine de minutes, je finis par me relever, doucement, en m’accrochant à la
balustrade qui borde la piste, sous les applaudissements du public. Je commence à
m’hydrater régulièrement pour récupérer et dans l’optique du contrôle anti-dopage. Je
claudique lentement jusqu’à la sortie de la piste où m’attend Sébastien qui veut recueillir et
faire partager mes premières impressions.
J’aime parler, j’aime m’exprimer, j’aime partager mes émotions comme j’aime le faire à l’écrit.
Je prends conscience doucement de ce que je viens de faire. Si peu dans un monde qui
souffre au quotidien, tellement dans ma propre vie et dans un monde qui a besoin
d’inspiration. C’est l’accomplissement personnel d’une tranche de vie, c’est la victoire d’une
équipe, c’est ma victoire aussi, celle de ma volonté, celle de rien lâcher, celle d’y croire alors
que, redescendu brutalement de ma montagne six mois plus tôt, j’avais envie de tout lâcher.
Oui, j’ai réussi à remonter plus haut que du sommet duquel j’étais tombé.
Je peux maintenant savourer auprès de ma famille, de mes amis, de ceux venus
m’encourager. De beaux cadeaux ont été préparés et complotés par Merryl, une plaque avec ma marque, un tableau, celui d’un trio et une coupe,  qui rappelleront à jamais ma
performance…
Comme après tant de dates dans ma vie, il y aura un avant et un après, comme le 9 juillet
2010, comme les 20 et 25 septembre 2019, comme le 9 novembre 2019, comme les 15 et
16 avril 2020, comme la période du 6 septembre au 7 octobre 2021, une longue liste
désormais d’instants marquants qui symbolisent une vie, des vies, des émotions, de
l’intensité, celles d’une vie.

J+1, le coût du record

Il n’y a pas de sujet tabou et l’argent n’en est donc pas un…
Oui préparer un tel record ça coûte de l’argent.
Pour notre livre à venir, il faudra faire un tableau des coûts du record de Marion.
C’est l’organisation d’une compétition auprès de la fédération française (incluant les frais de
dossier, la présence d’un collègue arbitral, le contrôle antidopage) => 3000 €
C’est la location du vélodrome pour une demi-journée =>600 €
C’est l’achat et la location de matériel => 1750 € (roue pleine avant : 450 €, plateaux : 240 €,
location casque : 100 €, surchaussures : 60 €, extensions Aerocoach : 900 €)
C’est le déplacement sur les stages en Espagne, à la montagne, à Roubaix => environ 1500

Cela fait aux alentours de 7000 €, un sacré budget même si une grande partie est passée
sur le compte de Sport Inspiration.
Et 50 € de ceinture lombaire !
Pour ce projet, c’était un choix de ne pas chercher de partenaires, de vivre ce projet quelque
part seul de A à Z même si très vite, j’ai vu que j’avais besoin d’être entouré et que
beaucoup de personnes peuvent être associées à la réussite de ma victoire.
Alors oui ça a un côté tellement égoïste et dérisoire, je savais qu’avec cet argent, on peut
nourrir un certain nombre de personnes qui en ont besoin pendant une certaine durée.
Et en même temps, la passion a-t-elle un prix ? Mieux ne vaut-il pas se perdre dans sa
passion que perdre sa passion…

J+2, Et maintenant ?
J’aime le sport, bien au-delà de la compétition et du résultat. J’ai besoin par contre de
performance, de me challenger. J’ai obtenu mon meilleur corps dans une période hors
compétition, en plein confinement, le 11 mai 2020. J’ai obtenu mes meilleurs watts loin des
compétitions également, le 25 février 2021, 5 mois après la dernière course, 4 mois avant la
suivante.
Je suis capable de cet investissement sans avoir de « carotte objective » que peut être une
compétition ou ce type de record. Le confinement m’a même permis d’en faire beaucoup
plus, sans me demander si j’aurais récupéré d’ici à la prochaine compétition. Il m’a permis de
découvrir mon corps et mon mental, et plus je les découvre, plus je me dis que leurs
possibilités sont énormes…
Je n’ai pas trop besoin de m’interroger pour savoir quel sera le prochain challenge, il est déjà
en vue et il est taille XXL … Bordeaux-Paris le 21 mai ! Objectif : finir, et si possible en moins
de 24 heures… Et si j’ai déjà fait un 24 heures home-trainer et à l’Alpe d’Huez, je n’ai jamais
roulé plus de 366 km, c’est donc un sacré défi qui m’attend ! 650 km…
Et ensuite…
Il y a quelques mois, j’avais plus le projet d’une vie plus posée pour l’avenir, de fonder une
famille… Mais la vie a rebattu ses cartes et je suis face maintenant à un choix.
Et aujourd’hui encore, la vie a changé ses plans, tel un Rubik’s cube rebelle…
Un engagement total ou rien…
Je vais réfléchir, prendre le temps de poser les choses, de discuter avec mon entourage,
famille, amis, partenaires, collègues…
Oh, il y a bien un défi ultime qui me vient à l’esprit, celui du Record de l’heure, un Graal du
cyclisme.
Il y a la marque du record de France de l’heure des 35-39 ans, dont j’étais sur les temps au
bout de ma première heure avant-hier, 45,8 kilomètres.
« De Roubaix à Aguascalientes », comme je le publiais en octobre dernier…
Les records de France Elite et Mondiaux Masters ? Au-delà des 50 kilomètres… Ils me
paraissent inaccessibles mais si je pousse tout à son meilleur et à sa quintessence ? La
diététique, la position, l’entraînement, le matériel, le mental, la récupération, la physiologie…
En suis-je capable ? En ai-je envie ? Aujourd’hui le changement ne me fait pas peur, soit-il
brutal ou total dans ma vie.
Un tel défi c’est vivre pour l’objectif avec tout ce que ça comporte à côté : manger pour
l’objectif, penser pour l’objectif, orienter chaque grain d’énergie dans une seule optique :
100% de son potentiel le jour J…

Est-ce vraiment moi ? Est-ce vraiment mon cyclisme, mon sport ? Ce record de l’heure ça
demande tellement de rigueur, de « scientifique » là où j’aime l’aspect « romantique », de
rouler parfois sans compter, à l’instinct, de rouler simplement pour évacuer l’énergie d’un
cerveau hyperactif, pour réguler une alimentation difficile à gérer… Là tout doit être calculé.
D’un côté c’est l’engagement d’une montagne qui ne dépend que de moi, de mon sérieux et
de mon implication, force, régularité et détermination, pas d’aspect tactique, pas à profiter du
travail des autres.
C’est aussi pour un athlète et un entraîneur une découverte fantastique de dimensions de
l’entraînement si peu exploitées jusque maintenant : l’envie d’explorer des aspects de la
performance encore jamais découverts : la glycémie, l’hypoxie, l’entraînement respiratoire, la
phytothérapie et les stages en altitude ou sur piste
C’est aussi des facteurs externes et être entouré : une équipe pour faire des courses
intenses en préparation, c’est des partenaires qui me suivent dans le projet.
C’est aussi un travail en équipe indispensable, s’entourer de spécialistes dans tous les
domaines.
C’est aussi m’isoler plusieurs mois dans une bulle que je ne me suis mise que partiellement
ces 3 dernières semaines, ne pas être présent auprès de mon entourage, c’est une forme
d’égocentrisme, se placer au centre de l’attention, le sommet d’une pyramide (à ma petite
échelle, bien sûr)
C’est aussi l’envie de partager l’aventure aussi, ce fameux « My cycling lifestyle » que je n’ai
pas mis en place pour ce projet… Pour moi, les choses prennent souvent plus de temps,
mais elles finissent toujours par se faire.

Nous devions faire un livre sur l’aventure de nos records avec Marion, un projet en duo
toujours à l’esprit mais que j’ai peur de devoir maintenant mener seul et cantonné à mon
aventure…
Il y a certaines autres ambitions compatibles, comme la préparation des championnats
Masters de contre-la-montre ou des championnats de duathlon longue distance, des
championnats du monde Masters piste (je crois qu’il y a un beau projet à monter, et dont on
va très bientôt commencer à évoquer)
Et d’autres aventures qui peuvent attendre un peu plus, courir un marathon en moins de 3
heures ou faire un Ironman, de grands défis et pourquoi pas caritatifs pour joindre l’utile et
l’inspirant à l’agréable.
Quel que soit l’avenir, les mots sport et défi auront une grande place à l’avenir.

J+5, deux expériences fabuleuses…
En l’espace de 7 mois, la participation à 2 records du monde, la première comme
coach, la seconde comme athlète, deux expériences simplement inoubliables…
Il y aurait dû initialement n’y avoir que 3 semaines entre les 2 mais je ne sais pas si
j’y aurais survécu émotionnellement et physiquement, et je n’aurais pas savouré ma
tentative comme il se doit.
2 aventures hors normes, d’abord humainement… Celle de Marion, 2 ans d’une
épreuve quotidienne dépasse sûrement la mienne en termes d’intensité, car elle est
plus longue, car elle est partagée aussi… La mienne ne s’est inscrite vraiment dans
mon esprit comme telle que dans les 3 dernières semaines, les 4 mois précédents
n’étant « que » de l’entraînement là où la première était l’aboutissement de six mois de
réunions, d’appels téléphoniques, de management, d’une équipe, d’organisation
technique, de coaching mental et physique, de reconnaissances, de recherches
matérielles, techniques, diététiques… Une somme de travail décuplée par rapport à
mon défi personnel.
Émotionnellement ça n’a rien eu à voir. Derrière l’histoire de notre duo, il y avait aussi
cette forme de non-contrôle quand tu ne peux qu’être spectateur de la performance
de ton athlète et la pression ressentie car si tu merdes, ce n’est pas toi directement
qui en subis les conséquences, il y a eu les conflits humains, il y a eu la météo
apocalyptique et puis ça durait 11 fois plus longtemps, tout simplement…
Dans les deux cas, un obstacle majeur survenu la veille des tentatives, comme un
parallèle à nos histoires : là où Marion cassait son vélo, je laissais mon dos en vrac,
chacun moins de 24 heures entre les deux. Il a fallu dans les 2 cas s’adapter et
dépasser les doutes…
Des fins dans la souffrance…
Entre les 20 minutes de larmes interrompues de la Garde en Oisans et les 20
minutes couchées au sol à gémir à cause des crampes et des décharges
électriques… On ne peut pas dire que ça fasse rêver sous cet angle.
La première aventure marquait une fin et une chute vertigineuse… La seconde, je
n’en connais pas encore l’issue. Sportivement c’est une porte ouverte, humainement
ça reste une inconnue… Physiquement et émotionnellement j’ai mis plus de 3 mois à
m’en remettre, là je crois que je n’ai eu besoin que de 3 jours…
Plus que des chiffres, 15339 m et 2h16’31 », 24 heures et 100 km, ce qui reste, ce
sont des émotions et des souvenirs gravés dans le cœur et la tête. Et des histoires
de vie.
Jamais, il y a 3 ans encore, je n’aurais imaginé vivre de pareilles expériences… Oui
j »ai de la chance de pouvoir cette vie, mais peut-être que je l’ai aussi un peu
provoquée, et ce destin je l’ai un peu forcé…
Ne me demande pas de choisir entre les 2. Ils sont chacun inoubliables, riches, forts,
marquants, formateurs…

J+5, à l’image de la vie
« La qualité des tes pensées détermine la qualité de ta vie »
Ca ne suffit pas. Mais penser positivement, c’est une base nécessaire à la réussite. Si tu
penses de la merde, c’est probable que ta vie soit de la merde. Si tu manges de la
merde, c’est que tu prends ton corps pour une poubelle. Penser de la merde c’est en
faire de même avec son esprit.
A partir d’une pensée positive, il faut agir. Sans action, penser positivement ne sert à rien
d’autre qu’à espérer et espérer la chance c’est croiser les doigts… Peu de montagnes se
sont renversées en croisant les doigts.
Souffrir, c’est comme le reste ça s’apprend. Tu souffriras toute ta vie, alors apprends à
mieux souffrir, à souffrir utilement, à souffrir plus vite pour te remettre plus vite…
Mon record ? Il y avait eu deux reports… J’étais prêt et bim, sentiment d’injustice, il faut
tout reprendre à zéro.
Ma route s’est lancée après une période où j’avançais très lentement, où je pensais
négativement puis pire, où j’avais l’impression d’être si vide que je n’arrivais plus à
penser et quand on me connaît, on imagine la difficulté…
Il y a eu la 3ème dose de ce satané vaccin qui m’a mis KO une semaine, il y a eu deux
chutes, beaucoup de doutes, mais tout s’est surmonté.
J-1, corps et mental prêts. Et bim, une contrariété la veille au soir et le dos qui se bloque
alors qu’il n’a jamais été si fort, si souple…
Sentiment d’injustice ? Toute cette préparation pour ça ? Non. Ma souffrance passée m’a
servi. Je souffle une seconde profondément, je ferme les yeux mais au fond de moi, je
souris… OK, toi, la vie, tu m’offres un nouveau challenge. Mais je suis prêt et tu ne
m’arrêteras pas. Je pense à la souffrance endurée, j’ai entraîné mon esprit, j’ai
développé mon mental…
Hier sur le vélo, je réfléchis longuement. Premier 100 km depuis samedi, balade dans le
Vexin. Réflexion profonde. Je comprends mon blocage émotionnel qui a entraîné mon
blocage du dos. Le pire ? C’est quelqu’un qui n’existe pas…
Arrête de reprocher à cette personne qui t’a fait souffrir. Remercie la au lieu de la blâmer.
C’est elle qui t’a entraîné, c’est elle qui t’a rendu fort. Remercie la. Délivre toi du mal de
ces pensées négatives. Délivre la de sa culpabilité.
C’est un autre point duquel je suis très fier… certaines expériences auraient pu me
transformer en vrai connard… Mais j’ai écouté mon cœur. Je me suis demandé pourquoi
on me traite ainsi… et j’ai écouté le cœur de l’autre pour comprendre. Cette sortie d’hier
m’a aidé à comprendre beaucoup de choses. Le cerveau se muscle encore un peu,
l’intelligence émotionnelle se développe. Et je vais avoir l’occasion de l’appliquer…
La vie est faite de réussites et d’échecs. Tenter un record du monde c’est une réussite
de toute façon, symbole de santé et d’audace. De cette blessure vendredi, l’échec aurait
été de ne pas prendre le départ. De ce départ, l’échec aurait de ne pas finir… Quand ma maman me demande si j’ai pensé abandonner, je lui jette un regard noir. Les yeux parlent souvent plus que les mots.
Je pense à un autre regard, le matin ou après ma tentative, je n’y prête pas assez
attention mais il reste ancré en moi… Vincent, que lis tu dans ces yeux… De l’absence,
de la résignation, de la peur aussi… Va chercher plus loin…
Rappelle toi « Pour comprendre un tableau il faut lire l’âme de l’artiste, il faut entrer dans
son esprit, comprendre son fonctionnement… »
Retour sur la piste, désolé c’est dispersé, éclaté… Et si j’avais échoué ? J’aurais
recommencé. Mieux, plus fort, avec plus de cœur encore, rebâtir une maison plus fort
encore.
Si quelqu’un le bat ? Alors je retenterai (sauf si Ganna le fait en 1h50 mdr. Il faut savoir
être réaliste avec ses propres montagnes à soulever). Je sais que je peux faire
beaucoup mieux et ça en serait presque une volonté d’avoir à être challengé de
nouveau.
La vie c’est ainsi, des claques monumentales, les encaisser et retourner au combat, y a
rien qui frappe plus dur que la vie, c’est pas moi, c’est Rocky qui le dit… Mais c’est ça qui
permet d’être plus fort…
Y a pas de « la vie m’a rendu comme ça » que la vie ait violente ou injuste avec toi, y a ce
que tu en fais, y a qui tu deviens.
C’est le sens profond de l’alchimiste : être capable d’offrir de l’or même si tu reçois de la
merde. Les personnes les plus violentes sont celles qui ont le passé le plus difficile, les
personnes généreuses aussi. La responsabilité c’est l’espace entre ce que tu reçois et
ce que tu donnes…